Interview de Sandrine Roudaut, femme inspirante et engagée
Ecrit le 01.Nov.20 par Anne-Marie — Mis à jour le 04.Oct.21
Sandrine Roudaut est une citoyenne engagée comme on les adore chez oOlution ! Agissant pour un monde plus sain, juste et épanouissant, elle est écrivaine, éditrice, conférencière TEDX et perspectiviste. Auteure de deux essais qui font référence en la matière L’Utopie, mode d’emploi et Les suspendu(e)s, elle a signé un roman merveilleusement inspirant : Les déliés. Eco-féminisme, utopie en marche, héroïsme citoyen, bonheur dans l'engagement, sont parmi les thèmes abordès dans cette histoire passionnante qui se lit avec avidité et jubilation !
Sandrine, tu es l’auteure de plusieurs essais engagés, dont L’Utopie Mode d’Emploi et Les Suspendu(e)s. Peux-tu nous présenter les thématiques que tu y abordes ?
J’y explore les raisons pour lesquelles nous ne changeons pas ce monde qui va mal. Il y a des raisons techniques certes, mais ce qui nous entrave le plus, ce sont les freins culturels et nos fonctionnements psychologiques. Dans « l’Utopie mode d’emploi » je propose des leviers de métamorphose, des sentiments à réactiver, et des modèles sources d’inspiration. Dans ce livre comme dans « Les Suspendu(e)s » je parle de la force des utopies. Dans ce second essai, j’ai étudié les gens et mouvements qui ont fait changer le monde, ces utopistes, ces dèsobéissants, ceux et celles qui ne se résignent pas et aussi comment vivre avec le fait d’être en minorité, à réclamer, bâtir un autre monde, à quelles conditions l’engagement peut rendre heureux.
Les Déliés est ton premier roman. Pourquoi avoir choisi ce genre pour exprimer ton engagement ?
Parce que je crois que l’arme la plus efficace pour faire basculer le monde est probablement la fiction. Nous ne rêvons plus le futur. Les seules perspectives d’avenir que nous avons sont apocalyptiques, une fuite en avant high tech, la surveillance. Les fictions d’anticipation, les séries, les livres projettent ce monde assez sombre, avec des personnages qui subissent ou tentent de résister sans grand succès. C’est terrible parce que nos imaginaires sont squattés par ces seules visions. Un avenir frugal apparaît dur, or il peut être joyeux et apaisant. On nous abreuve de l’idée que tout serait foutu or nous pouvons décider de créer des brèches à plein d’endroits pour modifier le cours des choses. Je voulais donner à voir cet autre monde et qui nous pourrions être.
Écrivis-tu ton roman en imaginant tes lecteurs de manière générale ou en pensant à des personnes en particulier ?
En pensant à l’humanité dans son ensemble. Je pense que nous nous dévalorisons, que nous nous gâchons. Que chacun, chacune a sa partition à jouer, que nous devons retrouver cette puissance endormie, que la fiction nous ramène à cet endroit où nos vies sont des épopées, où s’ouvre le champ des possibles. Ce n’est qu’une fois que j’ai terminé d’écrire ce roman que j’ai pensé à ceux et celles qui le liraient. Là j’ai espéré que les jeunes y trouveraient de la force mais aussi de la légitimité, que des femmes se verraient comme ce qu’elles sont vraiment : des héroïnes, que mes amis des plus au moins radicaux y retrouveraient leurs doutes, leurs persévérances et ceux des autres. Car j’ai voulu réconcilier les différentes formes d’activisme, d’utopistes, pas pour leur trouver un terrain d’entente, mais distiller plus d’empathie pour la position de l’autre.
Ce qui est formidable avec ton roman, c’est la touche d’espoir et l’envie d’agir qui nous transportent après sa lecture ? C’était volontaire et si oui, pourquoi penses-tu que cela est important d’instiller cela chez tes lecteurs ?
Au départ j’avais une double intention donner des idées précises pour faire basculer ce monde, j’avais une stratégie, et aussi je voulais donner à voir ce que pourrait être cet autre monde, différent, frugal certes mais joyeux, apaisant. Donc créer du dèsir pour ce futur et la façon de le faire advenir. Je pense toujours que c’est important, qu’un auteur peut avoir légitiment cette ambition-là. En tous cas je crois que c’est une place où je me sens juste, sans surestimer mon impact mais sans le sous-estimer non plus. En fin d’écriture je me suis rendu compte que ma véritable intention était de montrer à quel point nous pouvions être puissants, beaux, tous différents, qu’il fallait juste retrouver la confiance en nous et la foi en notre contribution au monde. Que c’est ainsi qu’on accomplit une vie au sens le plus noble. Et c’est peut-être ça qui donne envie d’agir.
Quelles ont été les premières réactions de tes lecteurs ? As-tu des retours qui t’ont surprise ?
C’est assez fou les messages que je reçois. J’ai eu beaucoup de gens qui, comme toi, disent avoir ou vouloir changer des choses dans leur vie, certains commencent à se « déGAFAMiser » par exemple. Certains disent avoir « basculé », s’être « radicalisés » au sens de l’essentiel que prône ce livre. J’ai énormément de lecteurs et lectrices qui me donnent « le mot de famille » qu’ils veulent porter. Cette idée assez poétique touche beaucoup, comme la vague à l’âme. Certains font des parallèles entre ce qui arrive dans l’actu et qui était dans le roman, notamment la sortie d’Emmanuel Macron sur les Amish, l’utilisation de la technique du sabotage dans un mouvement depuis quelques jours... J’ai eu peur que ce livre soit trop chamboulant pour les moins engagés, car il vient interroger nos doutes, nos compromissions et en fait pas du tout, il y a une douceur que seule la fiction permet, il est plus facile de se laisser ébranler. Et j’avais peur à l’inverse que ce livre soit perçu comme une fable irréaliste par les plus engagés et notamment ceux qui sont préoccupés par « l’effondrement ». Et là encore j’ai été surprise, car s’il est porteur d’espoir et de combats pour déjouer les pires pronostics, ce livre part d’un terreau lucide, il ne s’agit pas de nier les enjeux, et ces lecteurs, lectrices-là m’ont renvoyé un espoir renaissant et de la joie à le lire.
Ton roman relate l’histoire de 5 femmes engagées, t’es-tu inspirée de femmes de ton entourage, de militantes célèbres ou bien ces personnages sont totalement fictionnels ?
L’inspiration initiale m’est effectivement venue de femmes que j’ai rencontrées, d’amies, de « soeurs », j’ai puisé beaucoup de force, d’espoir, d’élan à les regarder, à nous regarder. Mais dès que j’ai commencé à écrire, le roman a pris le dessus sur cette inspiration initiale. Les personnages sont nés au fil de l’histoire sans identités réelles au départ, elles empruntent, honorent plusieurs d’entres elles, d’entre nous ou pas du tout, c’est un échafaudage de tout plein de femmes, d’actes, de prises de position. Je crois que ces personnages sont à la fois universels et singuliers.
Comment ressens-tu la montée de l’éco-féminisme ? La dissocies-tu de la cause féministe ?
Je crois que je suis devenue féministe en rencontrant l’écoféminisme. Je suis aussi éditrice et nous avons publié « Soeurs en écologie » de Pascale d’Erm en 2017. Ce fut une claque, j’ai halluciné de ce que peuvent subir les femmes depuis la nuit des temps, et de ce lien très clair avec ce que l’on fait subir à la nature. Et aussi une révélation il y a une vraie voie de réconciliation, d’apaisement et de puissance quand ces deux mouvements de pensée et d’humanité se rencontrent : le féminisme et l’écologie. Et comme je suis arrivé à l’écoféminisme avec ce livre, je l’associe aussi à la sororité. Je me suis sentie très proche de toutes ces femmes que Pascale décrit. Je me sens bien dans cette lignée, à ma place. C’est une des rares fois où j’ai eu envie de faire partie d’une « bande », d’une famille.
Qu’essaies-tu de transmettre à tes filles pour qu’elles mènent leur vie de femme le plus librement et responsablement possible ?
C’est tellement toute ma vie depuis qu’elles sont nées : ma préoccupation pour leur avenir et mes différents engagements, ce dont je parle, ce que je fais, en fait presque tout mon quotidien s’y rapporte. Alors j’essaye de ne pas être trop lourde, pour qu’elles trouvent leur propre indignation, leur voie d’accomplissement. J’ai très peur du rejet de cette vision que j’ai, ce serait normal , ce sont aujourd’hui de grandes ado, des jeunes femmes. On ne s’engage intimement que si c’est un libre choix, une pulsion personnelle. Et on ne le fait que si cela crée du dèsir. Donc très vite j’ai essayé de sortir de la tristesse que j’avais, pour leur montrer qu’on pouvait agir, et que c’était des endroits joyeux. J’essaye de leur transmettre qu’on ne se résigne jamais, qu’elles doivent exiger une vie merveilleuse, que c’est légitime, qu’elles ont une place à prendre, qu’on ne se soumet à rien, qu’on peut sublimer tout. Et aussi que c’est plus difficile quand on est une femme. Et que pourtant c’est merveilleux d’être une femme.
Quelles sont les pratiques qui t’ont le plus aidée à t’épanouir ? (méditation, yoga,...)
Je pratique toujours régulièrement la méditation et le yoga, j’ai beaucoup marché quand j’écrivais, mais ce qui m’est le plus essentiel depuis presque toujours c’est la danse. Pour moi rien n’égale la danse.
Quels sont pour toi les 3 livres qui t’ont plus aidé à avancer dans ta vie (roman, essai,...) ?
« Les mots » de Jean-Paul Sartre, je ne sais plus pourquoi, mais ça m’a bouleversé quand j’avais 17 ans. « Il y aura l’âge des choses légères » de Thierry Kazazian , mon véritable choc sur l’état du monde. « L’île des gauchers » d’Alexandre Jardin parce qu’avec ce livre j’ai ressenti le pouvoir de la fiction : à la fin j’étais convaincue que cette île existait, je l’ai cherchée, et il m’a transmis un élan, une prétention, celle que rien ne devait être médiocre dans la vie, jamais.
Je suis curieuse : quels sont les soins oOlution que tu apprécies plus particulièrement et pourquoi ?
Tous ceux que j’ai ! S’il faut choisir, j’adore me vaporiser le visage de lotion Flower Power le matin, me tapoter les yeux avec Eye Love, me nourrir le soir avec le violet, Age out, depuis le temps j’espère que ça marche :-) . Et j’aime beaucoup l’odeur de l’huile qui sert à tout, les cheveux, le corps. Ah et j’aime bien aussi le Loving Balm, j’ai la peau hyper sensible et réactive, au soleil, aux pollutions diverses et ce baume est un réconfort immédiat.
Si tu devais rencontrer l’ado que tu étais, que lui dirais-tu à la lumière de ton vécu ?
N’écoute pas tous les gens qui te disent que tu rêves, que tu es trop engagée, trop sensible, trop impulsive… trop. On n’est jamais trop. C’est très exactement tout cela qui fait que tu trouveras ta place dans le monde, au plus proche de qui tu es, au service de la grande marche du monde. Et surtout intéresse-toi à l’utopie, le plus vite possible !
Et pour finir, quels sont tes 3 gestes écolo les plus importants pour toi au quotidien ?
Difficile… prendre le temps, la mesure du temps, tous les autres gestes découle de cette conscience-là. Vivre le présent comme si c’était le dernier jour. Et puis manger bio, local, sain, la nourriture est ce qui nous lie au vivant, à la société, à cette grande famille, à notre corps. C’est le respect. Enfin m’interroger : sur chaque chose, chaque comportement, habitude. Essayer de ne pas se laisser happer par la consommation, les réseaux sociaux, la fuite en avant du sur-confort. En ai-je vraiment besoin ? Et si j’en ai envie, est-ce mon vrai dèsir, un dèsir qui va créer une puissance d’être, de joie, ou juste une illusion prêt-à-rêver?? L’écologie c’est s’interroger. Et c’est assez jouissif car on se réapproprie nos vies, en même temps que ses vrais dèsirs.
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