
Silicones : ennemies jurées de la peau et des cheveux
Ecrit le 13.Jan.20 par Anne-Marie — Mis à jour le 14.Oct.21
Depuis leur invention, dans les années 1930, les silicones ont envahi notre quotidien : moules à gâteaux, joints de salle de bain, prothèses mammaires, colles, coupes menstruelles, tapis anti-dérapant… Et cosmétiques. Elles y sont même très courantes. Il faut dire qu’elles ont de sacrés atouts pour faire vendre shampoings et crèmes. Mais beaucoup (beaucoup) moins pour notre peau et nos cheveux. Que leur reproche-t-on ?
Pourquoi tant de silicones dans les cosmétiques ?
Le terme silicone cache en réalité une multitude de matières différentes : silicones alimentaires, classiques, médicales qui vont du liquide au très dur en passant par des textures cireuses, pâteuses… Leur point commun ? Elles sont issues du silicium, matière la plus abondante dans la croûte terrestre après l’oxygène. Oxygène qui est, justement, leur deuxième composant principal. Eh oui, contrairement à ce que l’on croit souvent, les silicones sont issues de matières premières naturelles durables et abondantes, comme le verre : ce ne sont pas des plastiques issus de l’industrie pétrochimique. Mais elles en sont une alternative intéressante, avec des qualités souvent équivalentes. Plutôt sympathiques, jusque là, ces silicones !
En tout cas, sous la forme d’huiles et de cires, l’industrie cosmétique les adore. Peu chères, elles apportent un toucher non gras et velouté incomparable aux soins, glissent sur la peau ou les cheveux pour une douceur et une brillance inégalées. C’est simple, elles semblent incontournables dans les soins corps et visage, produits solaires, produits lavants, déodorants, dentifrices, fonds de teint et autres produits de maquillage… Surtout, vous pouvez chercher un soin conventionnel pour cheveux qui n’en contienne pas.
Cette chevelure incroyablement brillante des pubs ? C’est l’effet silicones. Cette peau de pêche aux pores et micro-rides miraculeusement effacés ? Un fond de teint floutant riche en silicones. La peau douce malgré l’eau calcaire ? Les silicones, encore, dans votre crème de douche. Ajoutons qu’elles sont généralement très bien tolérées, sans risques d’irritation et quasiment pas d’allergies, et nous obtenons ce qui doit être le portrait-robot de l’ingrédient cosmétique idéal ! Pourquoi s’en priver, alors ?
Les silicones en cosmétique : de grandes illusionnistes
Nous aussi on adore la peau de velours et les cheveux qui brillent. Mais on préfère quand c’est un signe de pleine santé plutôt que le résultat d’un artifice pas plus bénéfique qu’un filtre Instagram ! Car c’est ce que sont les silicones : de grandes illusionnistes. Leur fonctionnement ? Elles déposent un film étanche à la surface de l’épiderme ou autour de la fibre capillaire, comme une gaine ou une couche de peau supplémentaire. A première vue, pourquoi pas : peau et cheveux sont protégés des agressions extérieures, les pertes en eau sont évitées. Oui… mais non !
D’une parce que cet effet n’est que temporaire, il cesse en même temps que l’application du produit. Pire, peau ou cheveux, artificiellement protégés, finissent par s’en remettre totalement à lui : ils ne savent plus se défendre seuls, en deviennent dépendants et donc encore plus vulnérables. A défaut d’efficacité, une imparable technique de fidélisation.
Mais cela ne fonctionne qu’un temps et les effets négatifs finissent par l’emporter. Car si notre épiderme est une barrière protectrice face à l’extérieur, notre environnement n’est pas qu’une source d’agressions. La peau y absorbe de l’oxygène, de l’humidité, y évacue des toxines… Épiderme et cheveux en ont besoin pour être en bonne santé. Or, les silicones ont un effet occlusif : elles entravent ces échanges.
Prudence notamment pour votre peau sèche : un soin siliconé la maintient dans une illusion d’hydratation, mais elle ne peut plus se nourrir ni s’hydrater réellement. Résultat : sous une apparente bonne santé, votre épiderme continue de se dénutrir. Votre peau à tendance grasse ou à imperfections n’est pas mieux servie. Les silicones sont résistantes à l’eau, il est difficile de s’en débarrasser.
Du coup, si leur effet immédiat vous a bluffé.e, attendez quelques applications : elles vont s’accumuler, encrasser et étouffer votre épiderme. Quelques bactéries s’en mêlent et bonjour imperfections, points noirs, microkystes et boutons… Votre peau est normale à mixte ? Cela prendra juste un tout petit peu plus de temps. Pour vos cheveux, c’est pareil : les silicones vont empêcher leur bonne hydratation, s’accumuler au fil des shampoings jusqu’à les alourdir et les graisser. Résultat : une chevelure sans volume, terne et impossible à coiffer.
Enfin, conséquence au carré : peau et cheveux deviennent imperméables aux vrais bons soins qui pourraient contrer ces effets pervers. Double peine.
Un écobilan moins brillant que nos cheveux
Savez-vous en plus que les labels bio interdisent les silicones ? Pas parce qu’elles bouchent nos pores, non. Mais parce qu’elles sont un véritable dèsastre environnemental.
Déjà, bien qu’issues de matières premières naturelles, les silicones sont des matériaux synthétiques, obtenus après plusieurs opérations et transformations chimiques. Le tout avec un écobilan peu réjouissant : exploitation massive des carrières, procédès énergivores d’extraction du silicium et de fabrication via des combustibles fossiles et produits toxiques…
Surtout, elles sont hyper persistantes. Sur la peau, nous l’avons vu, mais aussi dans la nature. Et pas qu’un peu : non biodégradables, elles peuvent mettre 5 siècles à disparaître. Oui : 500 ans ! Nous subirions encore aujourd’hui la pollution des shampoings de Catherine de Médicis, si les silicones avaient existé au XVIe siècle. Et durant tout ce temps, elles polluent. Toxiques pour les milieux aquatiques, elles participent largement au dèsastre des microplastiques. Algues, mollusques ou mammifères sont impactés : capacités de filtration et photosynthèse réduites, systèmes immunitaires perturbés, tumeurs, dèséquilibres hormonaux, surmortalité… Un problème d’autant plus aigu que les silicones sont fréquentes dans les cosmétiques à rincer. Or, nos stations d’épuration sont incapables de les gérer. De toute façon, 80% de nos eaux usées se retrouvent directement dans la nature…
Et notre santé, dans tout ça ? Il n’existe aucune restriction officielle : les silicones ne sont pas considérées comme dangereuses. En l’état actuel de nos connaissances, en tout cas. Pourtant, certaines ont récemment montré des effets (modérés) de perturbateur endocrinien, sont suspectées d’être cancérigènes et toxiques pour la reproduction humaine : Cyclopentasiloxane, Cyclotetrasiloxane et Cyclomethicone. Ce sont d’ailleurs les plus toxiques pour les organismes aquatiques…
Au niveau européen, une alerte a été formulée sur les risques d’inhalation avec les sprays, poudres ou aérosols qui en contiennent et un règlement entrera en vigueur en février 2020 pour limiter leur concentration à 0,1% dans les produits à rincer. Faute d’études, nous manquons de certitudes. Mais ces éléments devraient nous inciter à la plus grande prudence au moins pour les catégories les plus exposées aux perturbateurs endocriniens : femmes enceintes, bébés et adolescents (rassurez votre ado : les gels coiffants sans silicones, ça existe !).
Comment se passer des silicones ?
Bien que présentes quasiment partout, vous ne verrez jamais le terme Silicone sur l’étiquette de votre cosmétique. Et la liste de leurs appellations est longue !
Leurs noms se terminent généralement par -cone, -xane, -conol. Si la cosmétique bio les interdit, méfiez-vous du greenwashing : beaucoup de marques, conscientes de leur déficit d’image, les remplacent par des huiles minérales pétrochimiques. Ça n’est mieux ni pour la peau et les cheveux, ni pour la planète. Bref, on en revient toujours au même point : décortiquez les étiquettes, particulièrement des shampoings et fonds de teint.
Mais alors comment conjuguer peau de velours et chevelure brillante en pleine santé et respect de l’environnement ? Avec les huiles et beurres végétaux. Capables de réellement pénétrer la peau, sans effet occlusif, ils lui apportent acides gras et nutriments nécessaires pour qu’elle se défende seule. Ils ont tout bon. Loin de se contenter de masquer les problème de notre épiderme, d’une grande variété, ils sont capables de répondre réellement à tous ses besoins. Le top ? Un soin jouant sur leurs synergies, à choisir en fonction de votre type de peau. Pour les cheveux, mention spéciale pour l’huile de Coco, capable de pénétrer la fibre capillaire et surtout la fabuleuse huile de Ricin, gainante et nourrissante. Un rinçage au vinaigre de cidre après un shampoing bio et hop, ils brillent de mille feux !
Attention, enfin, si vous prenez l’excellente résolution de bannir les silicones pour passer au naturel : vous risquez de passer par une phase un peu démoralisante. Car sous les couches de silicone, on découvre l’état réel de notre peau ou, souvent plus spectaculaire, de nos cheveux : secs, fourchus, difficiles à dompter… Patience, ça n’est que temporaire. C’est seulement après plusieurs shampoings que votre fibre capillaire sera débarrassée de toute trace de silicone. Il faudra encore la nourrir pour réparer les dégâts puis lui permettre de retrouver sa vitalité naturelle. Enfin, soyez conscient.e qu’aucun ingrédient ne pourra vous donner la sensation des silicones : apprenez à modifier vos attentes, oubliez ces chevelures irréelles de publicités !
Franchement : un effet superficiel et temporaire à court terme, des effets indèsirables persistants à moyen terme, un bilan environnemental dèsastreux et de grosses interrogations pour notre santé… Vous en faut-il plus pour dire au revoir aux silicones ?
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